[112] Welcome back ❖ Aedan

Cela faisait vingt ans que je n’avais pas mis les pieds à Fadden Hills. Cette ville me rappelait tellement de mauvais souvenirs entre la mort de ma petite sœur et le suicide de ma mère… Je pensais également que mon père, se sachant condamner, c’était laissé mourir de chagrin à cause de cette ville. Elle m’avait tout pris mais j’étais quand même de retour. Pour une seule et unique raison… Venger l’assassinat de ma petite sœur Camille. Son meurtrier courrait toujours et cette simple idée m’était insupportable. J’avais mis du temps à avoir ma mutation à Fadden Hills mais je savais que ce ne serait qu’une question de temps avant que je ne reparte à Las Vegas. Je ne comptais pas rester dans ma ville natale, ma famille se trouvait désormais au Nevada. J’espérais juste ne pas retomber sur d’anciens amis qui croiraient que je revenais définitivement en ville. Je refusais la simple idée de briser leurs espoirs. Mais aujourd’hui, j’avais rendez-vous avec plus qu’un ami. Aedan était la seule personne avec qui j’avais gardé contact après mon départ de Fadden Hills, le seul qu’il savait ce que je devenais. C’était mon cousin, le fils de mon oncle. Le seul membre de ma famille biologique dont je me sentais proche. Prenant le bus non loin de mon immeuble, j’arrivais rapidement sur l’avenue Westerly, essayant de trouver rapidement l’immeuble où mon cousin habitait. Je relus le sms qu’il m’avait envoyé, pour être bien certaine d’avoir toutes les informations pour trouver son logement. Je réussis rapidement à trouver l’immeuble d’Aedan et j’entrais rapidement, profitant qu’une personne en sorte. Je montais à son étage par les escaliers. Je n’aimais pas ascenseurs, j’avais plus vite fait de monté par les marches. C’était certes plus fatiguant pour certains mais j’étais lieutenant de police, j’avais l’endurance pour monter et descendre la hauteur de l’immeuble plusieurs fois d’affiler en courant. Arrivé devant son appartement, je frappais doucement, sachant qu’il allait certainement entendre et que je n’allais pas attendre des heures devant la porte.

J'ai vraiment horreur de ce professeur d'anglais. Il pense tout connaitre et fait passer son cours au dessus des autres. Des fois, j'aimerais bien lui mettre mon poing dans la figure. Mais bon, je me dis que s'il réagit comme ça avec moi c'est que je dois lui faire se souvenir que sa femme est partie avec un français. C'est triste pour lui, mais s'il était aussi chiant et lourd avec elle, je la comprends totalement ! Après avoir réussi enfin à m'éclipser de la salle des profs pour ne pas avoir à lui parler je soupire longuement. Il me reste qu'une heure de cours et je peux rentrer chez moi. J'ai hâte car je vais voir Averleen. Leen, c'est ma cousine et je suis le seul à avoir resté en contact avec elle. Il faut dire qu'enfants nous étions très proches, c'est elle qui m'a un peu aidé à aimer la ville. Puis j'avais une relation particulière avec elle. Alors que Brennan et Cordélia étaient sans cesse ensemble, moi je préférais être avec ma cousine. Je peux même dire qu'elle a été ma première meilleure amie...
Le cours se termine dans un calme presque suspect. Je dis à mes élèves que exceptionnellement ils n'ont pas de devoir, mais il se peut qu'ils ai un examen la prochaine fois. Ils me huent un peu et je fais signe avec les mains de pas parler aussi fort et je les regarde quitter la classe. Je reste peut être une dizaine de minutes le temps de rassembler mes affaires puis je quitte l'établissement. J'ai mon cartable à la main je parcours les quelques centaines de mètres qui me séparent de chez moi. J'ai la chance d'habiter dans la même rue que mon lieu de travail donc je marche, puis j'ai pas de voiture... Quand on vit à Paris pendant cinq ans, il est plus facile de se déplacer en transports communs et à pieds qu'en voiture. J'ai gardé cette habitude ici et depuis deux ans, je me dis que je vais acheter une voiture et pourtant je suis toujours à pieds ou au pire, à vélo. J'entre dans mon immeuble et je vais au dernier étage en prenant l'ascenseur. J'espère toujours faire une belle rencontre, c'est à cause de Paris ça aussi... Je rentre enfin chez moi balançant mon cartable au travers la pièce, il va s'écraser sur la canapé. J'ouvre le frigo et je me serre à boire puis je vais sur l'ordinateur. Je me dis que je vais y rester cinq minutes, mais non. Le bruit d'un toc-toc à la porte me fit revenir à la réalité, ça presque une heure que je suis là, à échanger quelques conseils à des élèves qui m'envoient des mails. Je grimace doucement et je me lève pour aller ouvrir. J'attrape la poignet et ouvre grand la porte. « Leen ! » Je la serre fort dans mes bras, sans lui laisser le temps de parler et je me desserre d'elle aussi vite. Elle n'est peut être pas à l'aise avec tout ce qui est tactile. Je pousse légèrement l'invitant à entre. Une fois tous les deux à l'intérieur et la porte fermé je peux enfin profiter d'elle. « Tu veux boire quelque chose ? Désolé du désordre, j'aurais dû ranger, mais je suis rester à répondre à des questions d'élèves.. » Tout en m’excusant je ramasse les quelques trucs qui traîne et je vais vers la pièce principale.

J’avais été contente d’apprendre qu’Aedan était revenu à Fadden Hills. Cela me faisait au moins un proche avec qui je pourrais parler. Il était le seul à être au courant de la raison qui m’avait poussé à revenir dans cette ville où j’avais pourtant juré ne jamais remettre les pieds. Je voulais retrouver le salopard qui avait assassiné ma petite sœur, je ne vivais que pour cela depuis vingt ans. J’avais mis ma vie entre parenthèse dans l’unique but de me venger. Cette personne m’avait tout pris en seulement un an. Ma sœur avait été assassinée, ma mère c’était suicidée et mon père c’était laissé mourir de chagrin. J’avais perdu mes amis, mon meilleur ami et j’avais été envoyé en foyer où j’avais purement vécu un enfer. Même Aedan ne savait pas tout ce que j’avais pu vivre après la mort de mon père. J’étais resté quatre ans sans donner réellement des nouvelles entre mes deux années de foyer et mes deux années à vivre dans la rue. Je ne l’avais recontacté que lorsque j’avais été recueilli par les Dunhallow. Et depuis, j’avais tout mis en œuvre pour revenir juste le temps de clore l’affaire du meurtre de ma petite sœur. Camille me manquait terriblement mais je n’avais pas encore trouvé le courage d’aller sur sa tombe ni sur celle de notre mère. Peut-être que je n’irais même jamais me recueillir là-bas, c’était trop de souvenirs. Heureusement, je comptais bien me changer les idées grâce à mon cousin et nous avions donc prévu de nous retrouver chez lui. Je fus d’ailleurs rapidement devant son appartement et il ne tarda pas à m’ouvrir la porte une fois que j’eus toqué. Je ne pus m’empêcher de le serrer un bref instant dans mes bras, contente de le revoir. Il avait bien grandi. En même temps, la dernière fois que je l’avais vu, il n’avait que neuf ans alors il était logique qu’il ait grandi et changé. Nous avions changé tous les deux. « Salut Aedan. » J’entrais dans l’appartement, ne pouvant m’empêcher de regarder autour de moi pour découvrir le lieu de vie de mon cousin. Je ne pus m’empêcher de rire quand il s’excusa du bordel dans son appartement. Je secouais alors la tête, incapable de me calmer. « Ca, du bordel? T’as pas vu mon appart’, crois-moi… Je suis encore plus bordélique que petite. Et avec plaisir pour un verre. Tu as quoi? » Je me laissais tomber sur le canapé, un petit sourire aux lèvres. Mon cousin avait toujours eu le chic pour me changer les idées même quand je pensais que c’était impossible.

Je m'étais sur l'ordinateur dans l'espoir de voir si j'avais une réponse de l'université. Un des doyen m'avait contacté il y a quelques jours pour savoir si j'étais intéressé pour donner des cours de français en mi temps le soir en plus de mon boulot de prof au lycée. Cela était une opportunité pour moi, car même si j'aimais mes élèves, j'aurais aimé travailler avec des gens qui veulent réellement apprendre le français. Ici, au lycée, beaucoup, pour ne pas dire la plupart suivent cette matière car ils n'ont pas le choix. J'avais demandé quand même quelques jours de réflexion, car cette proposition, pourrait devenir plus sérieuse et pourrait débouché sur un CDI... Je n'avais pas encore eu de réponse. Peut-être ils avaient mal pris le fait que je ne dise pas oui et que je leur demande un délai ? Je me posais pleins de questions, quand un de mes élèves me contacta. J'avais créé une adresse mail et même un Facebook pour qu'ils puissent entrer en contact avec moi facilement, s'ils avaient des questions sur les cours ou autres. Je discutais depuis près d'une heure quand j'entendis frapper à la porte...
C'était Averleen, ma cousine. « Salut Aedan. » Sa voix me fit sourire, j'avais tellement l'habitude de l'entendre au téléphone, que je fis presque surpris de l'entendre réellement. Je ne pus m'empêcher d'aller la prendre dans mes bras et elle en fit autant.  Après l'avoir accueillie et lui avoir proposé à boire elle me répondit. « Ça, du bordel? T’as pas vu mon appart’, crois-moi… Je suis encore plus bordélique que petite. Et avec plaisir pour un verre. Tu as quoi? » Je ris à sa remarque. Bon il est vrai que ce n’est pas forcément le gros bordel, quelques trucs qui traînent, mais bon j'ai pas de caleçons sales ou quoi, juste des objets pas forcément à leur place. Je vais dans la cuisine et je regarde vite fait mon frigo. « Euh... J'ai du jus de fruits, des bières, de l'eau, du sirop et des sodas... Sinon il y a le classique café ou un thé... » Je regarde ma cousine et j'écoute ce qu'elle veut et je lui prends la boisson qu'elle me demande et je fais la même chose. Je vais ensuite dans le canapé et pose nos boissons sur la table basse et je lui fais signe de s'installer à côté de moi. « Alors, comment tu vas ? Je suis tellement content de te voir après tout ce temps ! » Bon, ce n'est que des banalités je sais bien, mais je veux qu'elle se sente à l'aise, je veux pas qu'elle se braque et j'ai pas envie de lancer le sujet "Camille". si elle veut m'en parler elle le fera d'elle même, je ne veux pas remuer un vieux souvenirs qui est encore si présent et si fragile...

J’avais toujours été proche d’Aedan, il était le seul à avoir eu en temps réel des nouvelles et des explications sur ce que je vivais. Il m’avait toujours soutenu de sa présence et c’était un réel plaisir de le retrouver aujourd’hui. Surtout que j’avais bien besoin de parler à quelqu’un des récents évènements. Entre mes retrouvailles avec Lloyd, les avancées sur le meurtre de ma petite sœur… J’avais besoin de vider mon sac. Mais étrangement, ce n’était pas le meurtre de Camille qui tournait en boucle dans ma tête, c’était les fiançailles de Lloyd qui m’obsédaient… Littéralement. Je n’arrivais pas à arrêter de me dire que si je n’étais pas partie, peut-être que mon ami d’enfance serait aujourd’hui mon mari. En arrivant chez mon cousin, j’essayais de faire bonne figure, de ne rien laisser paraître de ce que je pouvais ressentir. Je m’installais sur son canapé tout en attendant de savoir ce qu’il avait à boire. « Eh bien, je prendrais un soda s’il te plait. » J’attendis patiemment qu’il revienne dans le salon avec ce que je lui avais demandé, buvant avec plaisir une gorgée de mon soda. J’eus un petit sourire tout en haussant les épaules. « Je fais aller comme on dit. Moi aussi, je suis contente de te revoir, vingt ans, c’était trop long… La ville a tellement changé, j’ai du mal à croire que je sois née ici… Je ne me sens plus chez moi, c’est une étrange sensation… » J’eus un petit sourire d’excuse envers mon cousin tout en jouant avec ma canette de soda. Je n’étais déjà pas tellement souriante en temps normal mais avec ce qui me tombait sur le coin de la figure dernièrement, je l’étais encore moins. Je soupirais tout en glissant une main sur mon visage. « J’ai commencé mon travail en tant que lieutenant… Tu te souviens de Lloyd Watkins, mon meilleur ami quand j’avais dix ans? On adorait jouer ensemble, on s’était même promis de nous marier ensemble plus tard. C’est lui mon co-équipier… Et il est fiancé… » J’avais réellement l’impression d’avoir la pire vie de merde possible… Mais en même temps, j’avais été complètement stupide de penser que je pourrais reprendre ma vie là où elle en était quand j’avais quitté la ville. Tout le monde avait continué à vivre sans moi et Lloyd avait fini par calmer sa peine dans les bras d’une autre femme. Chose que je n’avais jamais réussi à faire en vingt ans… « Enfin bref, et toi, comment vas-tu? » Je n’aimais pas spécialement parler de moi mais j’avais eu besoin de parler de mon ami d’enfance, de ce qu’il vivait sans moi désormais. J’avais réellement beaucoup de mal à le supporter et je ne rêvais que d’une chose: boucler rapidement l’enquête sur la mort de ma sœur pour repartir. Je ne supporterais jamais de voir Lloyd vivre avec une autre femme, même s’il était heureux ainsi.

Je n'avais pas vu l'heure passer et me voilà avec ma cousine qui est arrivée et je n'ai rien préparé. Je me sentais un peu bête, mais je suis comme ça. Quand je fais quelque chose, c'est dur de m'en défaire, même si j'essaie quand je suis dans quelque chose, j'y suis à fond ! Je lui propose donc à boire et j'évoque les boissons que j'ai a lui proposer. Chez moi, il y a de tout, j'aime boire des choses différentes chaque jour, donc j'ai le choix on va dire... « Eh bien, je prendrais un soda s’il te plait. » Je fais un signe de la tête et je sors deux sodas du frigo. Je prends au passage deux verres et je pose tout ceci sur la petite table basse dans mon salon et je m'installe dans mon canapé. Je lui demande ensuite comment elle va depuis tout le temps. Il est vrai que depuis son départ, on ne sait pas vu, mais ce n'est pas pour autant qu'on a perdu le contact, on s'est toujours parlé malgré la distance qui nous séparait et je crois que je suis bien le seul avec qui elle a gardé contact.... « Je fais aller comme on dit. Moi aussi, je suis contente de te revoir, vingt ans, c’était trop long… La ville a tellement changé, j’ai du mal à croire que je sois née ici… Je ne me sens plus chez moi, c’est une étrange sensation… » Je l'écoutais tout en ouvrant ma canette et en buvant une petite gorgée. Je peux comprendre son désarrois. La dernière fois qu'elle était ici elle était avec ses parents, Camille, elle avait une vie parfaite et tout a volé en éclat, il est normal qu'elle ne se sente plus vraiment chez elle après tous ses drames... Je n'ai pas le temps de répondre qu'elle reprend la parole. « J’ai commencé mon travail en tant que lieutenant… Tu te souviens de Lloyd Watkins, mon meilleur ami quand j’avais dix ans? On adorait jouer ensemble, on s’était même promis de nous marier ensemble plus tard. C’est lui mon co-équipier… Et il est fiancé… » Je l'écoutais et je me remémorais quelques souvenirs. Il est vrai qu'elle était toujours avec un garçon, bon quand je jouais avec elle il était là, mais je n'ai jamais été proche de lui. Même après le départ de Averleen, je ne l'ai jamais vraiment côtoyer. « Oui je vois qui sait... Je ne savais pas qu'il était fiancé, on a pas vraiment gardé contact à vrai dire... » Je ne savais pas quoi ajouter d'autres, mais elle avait l'air en peine le fait d'apprendre qu'il était avec une autre... Je voulais lancer le sujet, savoir si ça lui faisait de la peine ou si c'était le mal le fait qu'il soit avec une autre femme après près de vingt ans sans nouvelle, mais je n'en eu pas l'occasion. « Enfin bref, et toi, comment vas-tu? »  Je hochais les épaules à sa question. « Comme toujours, c'est un peu difficile avec Cordélia et surtout depuis mon retour, mais j'essaie tant bien que mal de faire aller on va dire... » Je n'en dis pas plus, elle savait que je parlais de la mort de ma mère et de la disparition de mon frère, même si je ne me suis confié à personne sur mon ressenti à propos de tout ça...

J’étais contente de revoir Aedan. Vingt ans, c’était long sans pouvoir se toucher, en ne faisant que se téléphoner. Et je pensais à Lloyd… Lui n’avait même pas eu droit à un seul coup de téléphone en vingt ans… J’avais réellement été la pire des meilleures amies, pas étonnant qu’il semble m’en vouloir désormais et qu’il ait cherché à oublier sa peine dans les bras de cette Isabelle. Même si c’était très difficile pour moi, je devais l’accepter parce que tout ce qui m’arrivait était de ma faute. Mon soda à la main, je ne pus m’empêcher d’en faire part à mon cousin, sachant que lui aussi avait connu Lloyd quand nous étions enfant. Je hochais la tête quand il ajouta qu’il ne savait pas qu’il était fiancé, ils n’avaient pas gardé contact. « Eh bah il est fiancé… » C’était à croire que je n’avais que ce mot-là à la bouche et c’était un peu vrai. Mais comment voulez-vous que j’accepte la simple idée que l’homme que j’aimais épouse une autre femme si je faisais comme si ce n’était pas prêt d’arriver. Je me le répétais sans cesse, pensant réussir à accepter cette simple idée que le bonheur de Lloyd était désormais avec cette femme et non avec moi. Mais je ne restais pas longtemps sur le sujet, préférant de loin entendre Aedan me parler de ce qu’il se passait dans sa propre vie. Il me parla de sa sœur et de leurs relations toujours difficiles. Je hochais la tête, il m’en avait souvent parlé au téléphone. « J’espère que cela va s’arranger avec Cordélia. C’est dommage quand même d’en venir à ce point dans une relation, sachant que vous êtes nés à quelques minutes d’intervalles… » C’était à peu près le genre de paroles qui pouvaient résumer ma relation avec Lloyd. Nous étions nés à quelques minutes d’intervalles tous les deux et pourtant, il semblait m’en vouloir énormément désormais, pour mon départ. « Les relations humaines sont tellement compliquées que je me demande parfois pourquoi je ne fais pas l’Ermite à aller vivre dans un bois du Canada, à me nourrir de sirop d’érables… » Je soupirais tout en fixant ma cannette. C’était idiot de réagir ainsi mais j’avais toujours eu ce souci. Petite, je ne parlais qu’avec Lloyd et ma sociabilité avait pas mal chuté après l’assassinat de Camille.